Les contes de Mamé

 


Bêtises et aventures



Pendant l’été 1949 notre grand-mère paternelle arriva accompagnée de deux de nos cousins à peu près de notre âge de 6 à 11 ans. Ils devaient restés un an avec nous, leurs parents étant en poste à l’étranger. Yves et Pierre forts turbulents comme mon frère et ma sœur formèrent avec eux « le club des quatre » familial !

Durant l’hiver, ils profitèrent de la neige et du gel pour inscrire une excursion style « Paul-Emile Victor dans le grand Nord ! ». Je ne participais pas à cette équipée. La froidure hivernale ne me tentait pas du tout. Puy Baron sous la neige ressemblait aux aquarelles des cartes de vœux. La vieille maison, chapeautée de neige se dressait en majesté, appuyée au bois de sapins à la houppelande vert foncé, ourlée de blanc.

Par intermittence la neige tombait ajoutant encore un peu de poudreuse ici ou là, comme par distraction. Les flocons aériens frôlaient le visage dans un effleurement tendre et frais, sorte de caresse légère. La neige crissait sous les pas, nos cris et nos rires s’étouffaient dans son épaisseur, donnant de la douceur et du mystère à tout.

Sans doute ceci était-il trop paisible pour le « club des quatre » ! Un jeudi, jour de congé scolaire, ils partirent à l’aventure. De glissades sur les petits chemins pentus (les galoches aux semelles de bois étaient idéales pour cela), en batailles de boules de neige, ils arrivèrent à Pierrefitte.

Hormis quelques poules d’eau et canards, la faune et la flore en hiver n’offraient pas de distractions, aussi les quatre étaient-ils en quête d’amusement. A Pierrefitte ils découvrirent l’étang. Aussitôt ils se lancèrent dans des pas glissés, pirouettes et variations diverses. Ils ne se soucièrent pas un instant de l’épaisseur de la glace. Ils étaient ravis et enchantés !

A quelques kilomètres de là, Papa recevait un coup de téléphone du meunier affolé qui le prévenait du danger de noyade pour les enfants. Papa ne pouvait croire que c’étaient eux qui s’étaient tant éloignés et se risquaient sur l’étang. Pourtant pas de doute, ils avaient disparu. Laissant ses malades en plan dans la salle d’attente, il dut partir les chercher à toute allure. Il arriva à les récupérer avant qu’un drame ne se produisît.

Les chers petits furent vertement tancés et consignés aux abords de Puy Baron. Pour tuer le temps probablement, ou par mesure de rétorsion, les trois plus jeunes s’activèrent avec un extrême plaisir à une occupation tranquille à la maison… Ils firent la chasse à tout ce qui avait des poils mais n’était pas animal. Les brosses à cheveux, à habits, à dents, à ongles, le blaireau et même la houppette à poudre aux longs duvets, tout cela se trouva gratifié d’une coupe en règle.

Ces gentils enfants armés d’un rasoir et de ciseaux, coupèrent à qui mieux-mieux, ne laissant que les manches et têtes des brosses. Il y eut du bruit lorsque grand-mère Berthe retrouva ses belles brosses en ébène et argent ainsi scalpées ! Le club des quatre n’était jamais à court d’idées. Certaines étaient cependant assez innocentes.

Tante Paulette en séjour chez nous, avait amené avec elle son chat Baumann. C’était une bête peu sympathique, haut sur pattes, blanc immaculé, un visage massif aux yeux jaune-vert. Il snobait nos chats de gouttière. Pas caressant, feulant et miaulant pour rien, la griffe rapide. Il en est des animaux comme des gens : certains sont aimables et d’autres non. Baumann pourtant nous rendit service.

Il était de tradition de nous donner une bonne cuillère d’huile de foie de morue tous les jours par périodes. Nous défilions l’un après l’autre à la salle à manger où grand-mère Berthe appelée « manman Bobotte » nous versait notre ration. Nous ressortions avec précaution pour soi-disant la boire tranquillement à la cuisine.

En fait en traversant le corridor nous faisions une escale près du haut poêle en faïence. C’était là le quartier général de Baumann à qui nous donnions notre huile dégoûtante dont il se pourléchait les babines. Au bout d’un certain temps de ce régime, tante paulette s’inquiéta pour son chat qui commençait à avoir une bedaine traînant jusqu’à terre… gros Baumann se vit mettre d’office au régime demi-portion par sa maîtresse !


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