Les contes de Mamé

 


Des sangliers et des arbres



Lorsque Mamé avait dix ans, elle avait fait un séjour en famille près de Chamboulive, à Madranges (Corrèze). C’était la belle saison et tous les enfants se retrouvaient dans les prés et les cours de fermes pour s’amuser.

Une troupe de bohémiens vint camper dans le village. Marco le frère de Mamé se trouva un petit copain parmi eux : Loni. Ensemble ils jouaient aux billes, attrapaient des grillons, des grenouilles, des lucanes cerfs-volants ces gros insectes qui ont des grandes pinces… Il arriva un jour qu’à l’heure du déjeuner, on ne vit pas rentrer Marco. Notre mère l’appela, encore et encore… aucun écho… Puce et moi sommes parties à sa recherche sans succès. Il semblait s’être volatilisé.

Inquiètes, nous avons commencé une enquête systématique. Une des premières éventualités, voir chez les bohémiens ; non, ceux-ci n’avaient pas vu Marco. Où était Loni pour l’interroger ? Peut-être savait-il quelque chose…Mais Loni n’était pas là, lui aussi avait disparu.

A force de demander à gauche et à droite, nous avons appris qu’ils avaient été aperçus s’éloignant à la sortie du village. Mon Dieu ! disait notre mère, mais où sont-ils allés ? Mon Dieu chuchotions-nous Puce et moi…s’ils étaient perdus…ou volés…ou partis pour les antipodes !? Pourquoi les antipodes parce que l’autre côté de la terre fascinait Marco. Nous avons exploré les landes alentour. Notre mère envisageait de prévenir la gendarmerie.

Du temps avait passé depuis que nous battions la campagne. C’était presque la fin de l’après-midi, quand soudain au tournant de la route apparurent les deux chenapans. Dépenaillés, traînant les pieds, poussiéreux, ils furent surpris de susciter tant d’intérêt, de remontrances, de menaces de punitions ! Mais enfin le soulagement à les voir revenir indemnes leur épargna le pire.

Questionnés sur leur équipée, Marco nous étourdit d’un récit extraordinaire. Ils étaient allés jusqu’au plateau des Monédières, à une dizaine de kilomètres et avaient mangé des mûres et les provisions qu’ils avaient emportées : pain et chocolat. Mais surtout ils avaient vu des choses…mais des choses…incroyables !

Dévorées de curiosité Puce et moi attendions les révélations… et Marco à mi-voix de nous dire enthousiasmé, mais en confidence : « eh ! bien, nous avons rencontré des sangliers, même que leur nids étaient énormes en haut des arbres ! ». Moi méfiante « des sangliers dans les arbres, c’est bizarre ?! » « Ah ! bien sûr, vous nous croyez pas, hein Loni que c’est vrai ?! ». Et Loni de s’exclamer « ouais, dans les grandes branches on les a vus !» et de cracher par terre, « je le jure, conclut-il, mais c’est un secret, faut pas le répéter ».

Encore aujourd’hui je me demande quelle variété arboricole de « sangliers » ils avaient découverte. Malheureusement elle est restée inconnue des savants aussi.


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